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Burke & Hare, trafic de cadavres

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Le 6 novembre 1828, la ville d’Edimbourg se réveille terrifiée par des révélations bien inconcevables. En plein centre de la vieille ville se déroulait un macabre trafic depuis près d’une année sous le nez et la barbe des habitants. William Burke et William Hare ont tués près de 16 victimes et ont vendu leurs cadavres à des fins de dissections dans des écoles médicales. Outre Burke et Hare, les policiers ont mis en examen la maîtresse de Burke, Helen Mc.Dougal, la femme de Hare, Margareth et le docteur Robert Knox, éminent médecin et enseignant à Surgeon Square, spécialisé dans les dissections. Pourtant, seul Burke, sera condamné à la potence. Etonnement, les autres passeront entre les gouttes de la justice. Du coup, les rumeurs vont bon train et beaucoup se demandent s’il n’y aurait pas des commanditaires puissants derrière ce trafic macabre. Alors qu’en est-il vraiment ?

Les faits

Le 3 novembre 1828, William Burke et William Hare sont arrêtés à Tanner’s Close dans le quartier de West Port au sud de la vieille ville d’Edimbourg. Les deux hommes sont dénoncés par deux voisins qui ont découvert un corps sous le lit de la chambre louée par Burke. Celui-ci louait un meublé dans la maison de William et Margareth Hare. La femme assassinée (Mlle Docherty) aperçue la veille, entrant dans le bâtiment n’est jamais ressortie. Les voisins, qui l’a connaissait de vue, décidèrent d’en avoir le cœur net et explorèrent le meublé de Burke, où ils découvrirent le corps sans vie de Mlle Docherty. La police fut aussitôt prévenue et le règne machiavélique et sanglant des deux Williams s’achevait après huit mois d’horreur.

La police trouva sur les lieux du crime une liste contenant plusieurs noms et des sommes perçues pour la vente de leurs dépouilles, qui se montaient entre 8 et 10 livres par victimes. Cette somme peut paraître dérisoire à l’heure actuelle, mais n’oublions pas que la livre sterling valait beaucoup plus au change. On pourrait allégrement estimer la valeur d’une dépouille aux alentours de 600 euros actuels. La liste trouvée sur place permettra à la police de remonter sur les meurtres de 10 autres victimes. Chiffre qui gonflera après enquêtes pour s’arrêter à 16 au total. Le tout perpétré en moins d’une année.

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Le procès

Le procès eut lieu le 24 décembre 1828. Burke et Mc. Dougal furent accusés de meurtres avec préméditation. Burke fut condamné à la potence, mais Helen Mc. Dougal fut relâchée, faute de preuves par le tribunal écossais. William Hare fut, lui, accusé de complicité de meurtres. Mais grâce à son témoignage contre Burke et ses déclarations indiquant qu’il n’était pas au courant des agissements du principal accusé, Hare et son épouse reçurent une immunité peu compréhensible pour les habitants d’Edimbourg. Le Dr. Knox ne fut pas poursuivit, mais sa notoriété fut particulièrement mis à mal au cours du procès et pendant les années qui suivirent. Autant dire que le médecin ne put jamais retrouver le statut et la renommée qu’il avait eus auparavant. Cette nouvelle eut bien entendu le don d’irriter la population et il ne fallut pas attendre longtemps avant que William Burke passe à la potence, puisque le 28 janvier 1829 il fut pendu sur la place publique. Son corps fut utilisé à des fins médicales et son squelette fut conservé au musée du Collège de la Médecine d’Edimbourg, où il est toujours visible actuellement. A noter pour la petite histoire qu’un étui fut confectionné avec la peau du condamné (aussi visible au musée).

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Qui sont Burke & Hare ?

William Burke et William Hare étaient en fait des immigrés irlandais qui avaient fuit la précarité d’une vie difficile sur l’île verte. Arrivés en 1826, Burke trouva d’abord un travail d’ouvrier sur le Canal Union, puis de cordonnier. Hare vendait du poisson sur West Port. Les deux hommes étaient mariés, mais l’épouse de Burke avait décidé de ne pas suivre son mari en Ecosse. Hare rencontra Margareth Laird, une veuve, qui avait hérité d’une petite affaire de location de chambres sur West Port. C’est ainsi que les deux complices se rencontrèrent à la fin de l’année 1827. Les deux hommes n’avaient aucun passé criminel et c’est pourtant une histoire complètement farfelue qui les fit sombrer dans le meurtre. L’histoire varie selon les témoignages actuels. Un homme ou une femme, qui louait également un meublé, s’écroula d’une crise cardiaque. Ne sachant que faire avec le corps, Burke proposa de le vendre à un institut médical spécialisé dans les dissections. Les cadavres étant extrêmement rares à cette époque pour la recherche médicale en plein essor, l’idée paraissait bonne et lucrative. Sans oublier que cette pauvre femme ou ce pauvre homme était seule. Qui se serait soucié de sa disparition. C’est ainsi que commença la terrible ascension dans le crime et le morbide.

 

Modus operandi

Le mode opératoire était simple. Un des deux hommes ramenait une victime au logement (principalement des démunis ou des prostituées), la faisait boire et Burke se chargeait de la tuer par compression sur le thorax. Si bien que la victime ne pouvait pas crier. Ce mode opératoire deviendra d’ailleurs un terme utilisé dans le domaine de la criminologie. Le mot « Burking » signifie aujourd’hui que la victime est morte asphyxiée sans étranglement, ni effusion de sang. William Burke utilisait ce système afin d’éviter de souiller le cadavre. Plus le corps était en bon état, meilleure était la rémunération.

Le corps était ensuite amené jusqu’à Surgeon Square par des petites ruelles et des souterrains, afin que personne ne soupçonne le trafic. Le docteur Knox, qui réceptionnait le cadavre rémunérait ensuite le duo sans poser de questions sur la provenance.

Les « Résurrectionnistes » et le trafic de cadavres

Suite à un décret de la Constitution écossaise, il n’était plus possible d’obtenir aussi facilement des cadavres, alors que la recherche médicale battait son plein. Seuls les corps de condamnés à mort pouvaient finir sur les tables de dissections. Si bien, qu’un institut médical ne recevait que trois ou quatre corps par année. Du coup, certaines personnes mal intentionnées commencèrent à exhumer des cadavres dans les cimetières de la ville, afin de nourrir les instituts médicaux. Les hommes effectuant ce macabre trafic furent surnommés « Résurrectionnistes ». Les médecins ne demandaient jamais la provenance des corps pour des raisons de déontologie.

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Les premiers doutes

Les premiers doutes apparaissent au procès, lorsque certains protagonistes de l’affaire ne sont pas poursuivis ou tout simplement graciés. Certaines personnalités écossaises crient au scandale et à la corruption, surtout vis-à-vis du Dr. Knox.

Même si celui-ci n’était pas le tueur, il aurait dû être condamné pour avoir fermé les yeux sur la provenance des cadavres. Il lui était impossible de ne pas être au courant de ce trafic. La fraîcheur des corps aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. De plus d’après certains récits, il connaissait même deux des victimes (figures incontournables de la cité), et il connaissait pertinemment leurs états de santé. Qui plus est, il aurait dû se douter qu’elles avaient été tuées par les « Résurrectionnistes ». Il est clair que ces cadavres arrivaient à point nommé pour son travail de dissection, mais la fameuse déontologie ne devait-elle pas pousser le médecin à dénoncer ce trafic ? C’est pour cette raison que de nombreuses voix se sont élevées, pensant que le commerce devait être à plus grande échelle et toucher même les plus hautes instances de l’Université d’Edimbourg dans le secteur médical. Le fait de condamner le Dr. Knox aurait certainement précipité la chute d’autres pionniers de la médecine. Knox aurait probablement cherché à dénoncer d’autres praticiens en cas de condamnation. Il était donc impératif de minimiser la participation du toubib dans cette sombre affaire. Il semblerait que des hautes personnalités de l’Université d’Edimbourg soient intervenues pour éviter un scandale à grande échelle qui aurait pu déstabiliser toute l’économie médicale. Et lorsque l’on sait ce que la faculté de médecine d’Edimbourg a apporté à la recherche médicale, il n’y a qu’un pas à franchir pour comprendre.

D’après certains écrits, il semble donc que la justice écossaise fut influencée par le lobby de la médecine. Ne pas pousser plus loin les investigations permettait de ne pas stopper la recherche sur sa lancée. Autre bizarrerie, Burke & Hare n’avaient aucun passé criminel. Sombrer dans le meurtre aussi rapidement et facilement parait aussi peu crédible. Livré un cadavre de mort naturelle à un médecin est une chose, mais tuer et faire le commerce de cadavres en est une autre. Le problème, c’est que tous les protagonistes vont disparaître de la circulation après le procès. Ou plutôt, on les a  fait disparaître… !!! Du coup, difficile de pouvoir obtenir le fin mot de l’histoire. Quand à Knox, il ne se fera pas prier pour tout démentir tant qu’il sera libre.

Démentis

Plusieurs démentis ont été édités après l’affaire Burke & Hare. Notamment au niveau des forces de polices. A sa décharge, la Police Ecossaise était très bien armée et peu influençable. Elle possédait une excellente réputation de sérieux et de compétence. Il est donc peu probable qu’elle n’ait pas poussé ses investigations suite à des pressions. Par contre, la justice, malgré les démentis, n’aura pas réussit à étouffer les soupçons. Comment peut-on gracié un complice de meurtre sous le prétexte qu’il charge son complice et qu’il n’était pas au courant de ce commerce. Ca parait quand même disproportionné !!!

L’après procès, Que sont-ils devenus ?

William Hare a complètement disparu de la circulation. Il semble qu’il se soit dirigé au sud de l’Angleterre avant de finir SDF à Londres. Il serait mort en 1862. Margareth Hare serait partie sur Glasgow avant de rejoindre à nouveau l’Irlande, où elle disparut complètement de la circulation. Helen Mc. Dougal serait partie sur l’Angleterre à Carlisle, dernier domicile connu. Quand au Dr. Knox, il a tenté de redonner des cours de médecine à Edimbourg, mais comme son passé alourdissait passablement la donne, il dut s’exiler en Angleterre, où il termina son existence en 1862.

Epilogue

Malheureusement, on ne saura jamais véritablement le fin mot de l’histoire, et notamment si des notables écossais étaient de mèche avec Burke & Hare. Les récits divergent beaucoup concernant l’épopée sanglante des deux complices, et on ne peut se baser que sur les notes de la police ou le compte rendu de la justice de l’époque, qui ne sont pas aussi étoffés qu’aujourd’hui. Inévitablement certains récits ont été enjolivés et gonflés, et il faut être très prudent sur les conclusions qu’ils pourraient apporter. Il n’empêche que près de deux cents ans après les faits, l’histoire de Burke & Hare reste un sujet très sensible à Edimbourg. Elle a notamment inspiré de nombreux films et de nombreux écrivains.

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