La mort de Che Guevara

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Le 9 octobre 1967 les médias du monde entier relatent la surprenante nouvelle de la mort du révolutionnaire Ernesto « Che » Guevara. Selon le chef de l’Etat Major Bolivien, il aurait péri lors de l’assaut des militaires dans le petit hameau de La Higuera au sud de la Bolivie. La photo de sa dépouille fait aussitôt le tour du monde. Pourtant selon certaines sources, il aurait été purement et simplement exécuté après s’être rendu. D’autres pensent que la CIA serait mouillée également. Alors que s’est-il vraiment passé ? Assassinat, trahison ou simple mort lors d’un assaut ? Et qui est vraiment derrière tout ça ? Retour sur la mort d’un symbole de la révolution et des zones d’ombres entourant son décès.

Les faits

Au début du mois d’octobre 1967, les militaires boliviens apprennent par un informateur que les troupes révolutionnaires du Che Guevara, relativement affaiblies, se trouvent dans le secteur d’un petit hameau au sud de la Bolivie. Ils décident d’encercler le secteur de la Higuera, afin de pousser les révolutionnaires en contrebas vers Rio Grande. Près de 1800 militaires arrivent dans le petit village et commence les manœuvres. Le Che dans un dernier élan tente de scinder le groupe en deux, et après trois heures de combat, Guevara se rend, lourdement blessé aux jambes et au thorax. Malgré sa force de caractère, il sait qu’il n’y a pas d’autre issue et décide de se rendre. Il est alors emmené dans la petite école de la Higuera, où il décédera le lendemain de ses blessures. Le 9 octobre au matin, la nouvelle tombe : Che Guevara est mort.

La higuera ecole

La version officielle de sa mort est relatée par le sergent Mario Terân, qui indique que Guevara est mort suite à ses blessures. Le corps est alors héliporté jusqu’à Vallegrande dans un hôpital, où il est placé sur un lavoir et photographié. Une conférence de presse est organisée par le commandant en chef des forces armées boliviennes, qui indique que la meilleure preuve de son décès sont ses empreintes digitales récupérées juste avant sa mort. Pour la petite histoire, ses mains furent coupées et gardées dans du formol.

Sergent teran

Une dépouille introuvable

Dès le lendemain, le président bolivien Barrientos demande à voir la dépouille, qui a mystérieusement disparue, comme d’ailleurs celles des autres guérilléros tombés avec le Che. Deux mois plus tard, un militaire bolivien indique que Guevara n’est pas tombé au combat, mais qu’il a été purement et simplement liquidé. Seulement en l’absence de cadavre, il est impossible de faire une autopsie. Alors faut-il croire cette nouvelle version ?

En novembre 1995, l’ancien général Mario Vargas Salinas déclare dans un quotidien américain que la dépouille du Che est enterrée sous la piste de l’aéroport de Vallegrande. Des fouilles sont alors immédiatement entreprises sur le site présumé, et oh surprise ! après avoir longuement sondé l’endroit, on déterre sept dépouilles. Un médecin cubain, dépêché sur place, affirme après examen dentaire qu’il s’agit bien de Guevara. Pourtant des voix s’élèvent contre l’authenticité de cette découverte. Ils en veulent pour preuve, qu’aucune analyse ADN n’a été réalisée. Quoi qu’il en soit, la dépouille est envoyée à Cuba sur la demande de Fidel Castro, où elle repose dans un mausolée à l’entrée de la ville de Santa Clara.

Mausolee

Ernesto « Che » Guevara

Ernesto Guevara de la Serna est né en 1928 à Rosario en Argentine. Il est l’aîné d’une famille de cinq enfants. De classe moyenne avec des racines aristocratiques, ses parents sont politiquement socialistes centristes. Ernesto souffre d’un problème d’asthme dès son plus jeune âge, ce qui ne l’empêche pas de pratiquer le rugby, contre l’avis de son père. Très jeune il est passionné par les aventures de Jules Vernes ou de Jack London. Il étudie le français et montre un intérêt pour l’histoire, la philosophie, les sciences politiques et les mathématiques.

En 1948, il entreprend des études de médecine à Buenos Aires et continue de jouer au rugby. Tout d’abord en élite, mais suite à ses problèmes d’asthme, il se voit contraint d’être reléguer dans les ligues inférieures. En 1951, il prend une année sabbatique et sillonne l’Amérique Latine en passant par le Chili, le Pérou, le Vénézuela, la Colombie avant de rejoindre Miami. Pendant ce périple, il se rend compte des inégalités flagrantes qui frappent ces pays. Il travaille également dans une léproserie de San Pablo au Pérou avec le docteur Hugo Pesce, fondateur du parti socialiste péruvien. Cette rencontre donnera le coup d’envoi de son idéologie.

De retour à Buenos Aires en 1952, il termine ses études et obtient son diplôme en 1953. Cette même année, il décide de repartir sillonner l’Amérique Latine jusqu’au Guatemala, où il dépose ses valises. A cette époque, le président Arbenz Guzman mène des réformes agraires et sociales pour sortir de la main mise des Etats-Unis sur le secteur agricole. Il rencontre également celle qui deviendra sa future femme : Hilda Gadea Acosta. Economiste et socialiste, elle a de nombreux contacts avec des membres du gouvernement et des exilés cubains, qui font partie du mouvement d’un certain Fidel Castro. En 1954, un coup d’état appuyé par les Etats-Unis manque de renverser le gouvernement en place. Sous un prétexte de montée de l’esprit communiste au Guatemala, les américains décident de soutenir les putchistes et arrivent à leurs fins en août 1954. Guevara s’exile au Mexique, et son ressentiment anti américain et anti impérialiste se voit renforcé. Il est alors convaincu que le socialisme à travers la lutte armée est le seul moyen de faire bouger les choses et de supprimer les inégalités socio-économiques.

C’est au Mexique qu’il rencontre Fidel Castro, par l’intermédiaire d’un ami. Les deux s’entretiennent toute une nuit sur leurs idées communes. Convaincu par la vision de Castro, qui veut renverser la dictature de Batista à Cuba, Guevara entre dans le mouvement, tout d’abord comme médecin, puis comme guérillero. Sa force de caractère et ses idées plaisent à Castro, qui voit en lui un allié de poids.

Castro guevara

En novembre 1956, les guérilleros embarquent pour Cuba. A leur arrivée, ils sont surpris par les troupes de Batista, qui avait probablement infiltré un traitre dans le mouvement. Sur les 80 hommes de Castro, seuls 20 réussissent à échapper au massacre et s’enfoncent dans la Sierra. C’est un gros coup dur pour la rébellion. Malgré tout, « les Barbus » s’organisent et obtiennent le soutien de nombreux paysans, qui viennent grossir les rangs des résistants. Guevara donne des soins et alphabétise les nouveaux arrivés. Il leur donne des conseils et les instruit aux maniements d’armes. Il crée également une radio libre avec laquelle il diffuse une propagande socialiste et révolutionnaire, qui lui permet d’enrôler de nouveaux adeptes.

Le 29 décembre 1958, les guérilleros s’attaquent au train blindé de Batista dans la ville de Santa Clara. Avec peu de moyens et beaucoup de pugnacité, les rebelles remportent une victoire lourde de conséquence pour Batista, puisque le 1er janvier 1959, il s’exile en République Dominicaine. Castro et ses hommes entrent en héros à la Havane et prennent le pouvoir.

Guevara est nommé au poste de gouverneur militaire et devient citoyen cubain. Il décide de mettre en place une vaste réforme agraire et interdit les propriétés de plus de 400 hectares. Le reste est transformé en coopérative. Il est également nommé responsable de la banque cubaine et ministre de l’industrie. Le « Che » veut faire de Cuba un pays indépendant économiquement et surtout sans la main mise des Etats-Unis. Il donne de sa personne en participant aux travaux de construction ou à la coupe de la cane à sucre. Pour mener son projet, il rencontre de nombreuses personnalités politiques, afin d’obtenir du soutien. Outre l’URSS, il se tourne vers la Chine, l’Egypte, l’Inde et la Yougoslavie.

Divergences avec Castro

Bien que les deux hommes partagent certaines convictions communistes, une différence notoire apparaît. Castro est un communiste qui prône l’alliance avec l’URSS, alors que Guevara, marxiste dans l’âme préférerait un rapprochement avec tous les états non alignés de l’Amérique du sud, afin de créer une grande famille économique, indépendante des Etats-Unis, mais également des soviétiques. D’ailleurs en 1965, lors de la conférence d’Alger, il dénonce publiquement non seulement la politique impérialiste des américains, mais il s’en prend aussi à l’URSS, qu’il critique ouvertement pour leur soutien obsolète.

En juillet de cette même année, Castro le convoque à huis-clos pour ces propos sauvages et inappropriés. Pendant près de deux jours, ils vont s’entretenir et débattre. Personne ne sait vraiment ce qu’ils se sont dit, mais peu de temps après, Guevara va abandonner toutes ses fonctions au sein du gouvernement cubain. Pour certain, le « Che » a décidé de partir faire la révolution en Afrique, pour d’autres, Castro l’aurait nommé ambassadeur de la révolution. Mais dans ce cas de figure, il semble bien que Fidel ait décidé de mettre Guevara sur la touche. Alors est-ce Guevara qui ne voulait plus suivre la voix de Castro, ou est-ce Castro qui aurait eu peur du comportement du « Che » ? Vaste question… !

Tant est si bien que Guevara s’envole pour le Congo afin de soutenir Laurent Kabila dans son mouvement de révolution. Mais c’est une désillusion, et il comprend que les rebelles sont plus intéressés par l’argent que par une idéologie. Il ira même jusqu’à dire que Kabila est un personnage insignifiant. De son côté, Castro annonce au peuple cubain et aux médias que Guevara a décidé de quitter Cuba pour mener d’autres révolutions à travers le monde et en Amérique du Sud.

Kabila guevara

Après son départ du Congo, le « Che » vit dans la clandestinité entre l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord. C’est en 1966 qu’il refait surface incognito à Cuba sur la demande de Castro. Effectivement les Etats-Unis pensent que Guevara est décédé dans le conflit congolais. Afin de préserver son anonymat, Fidel ira jusqu’à le transformer physiquement afin qu’il ne soit pas reconnu.

Che guevara transforme

La Bolivie

Castro sait que Guevara ne souhaite pas rester à Cuba. Il rêve de continuer sa révolution en Amérique du Sud. Le « Che » a un projet ambitieux, celui de mener une action en Argentine, son pays d’origine, mais Castro l’en dissuade, car il estime que l’armée y est trop importante et expérimentée. Il lui conseille la Bolivie et achète une parcelle de terrain dans la jungle au sud-est du pays. C’est un endroit perdu, à des kilomètres de La Paz, mais Castro pense qu’il est préférable de se faire oublier pour mieux préparer une action. Néanmoins Guevara accepte, car le gouvernement a été renversé par une dictature militaire, dirigée par le Général Barrientos. Il faut donc faire vite avant que l’armée soit totalement réorganisée et appuyée. Il s’envole pour la Bolivie avec de faux passeports et son visage modifié par les services secrets cubains.

La CIA entre en scène

Depuis le renversement du pouvoir à Cuba, la CIA n’a pas cessé de surveiller Castro et consorts. Avec cet allié soviétique à quelques encablures de la Floride, il ne faut pas être fin limier pour comprendre pourquoi. L’invasion ratée de la baie des cochons, la crise des missiles russes et j’en passe, on est vraiment passé tout près de l’apocalypse… ! Guevara est d’autant plus intéressant, car il est devenu une sorte d’élection libre, et possède des idées beaucoup plus marxistes que Castro. Ses virulentes prises de positions à l’ONU et à Alger ont de quoi donner des sueurs froides aux Etats-Unis. C’est pour cette raison que, lorsque la CIA apprend que le Che est en Bolivie et bien vivant, elle décide d’envoyer des cadres de l’armée pour épauler les militaires boliviens. Leur apprendre notamment les techniques de combat et les former. Les Etats-Unis n’envoient pas d’armes ni de troupes, afin d’éviter un trop grand risque de médiatisation.

Mais comment la CIA a-t-elle eu vent de la présence du Che en Bolivie ?

En fait un peu par hasard ! Elle pensait à la base qu’il était mort au Congo, puis soudain l’armée bolivienne a annoncé qu’elle avait fait deux prisonniers guérilléros. Ciro Bustos et Régis Debray. Les deux hommes devaient tenter de trouver un poste radio pour contacter Cuba, car la plupart des moyens de communication avaient été détruit et la nourriture manquait. Ciro Bustos, qui était un bon dessinateur, avait fait des croquis de plusieurs guérilleros très ressemblant, tant et si bien qu’il ne fut pas compliqué de reconnaître notamment Guevara sur un croquis. L’armée avait joué finement le coup en montrant ensuite les croquis à Debray. Celui-ci, en les voyant, avait bêtement crû que son frère d’arme avait parlé. Il corrobora ainsi ce que la CIA attendait tout bonnement. Malheureusement pour lui, il était tombé dans le piège, car Bustos n’avait rien dit.

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Et Castro dans tout ça ?

Castro est loin d’être tout blanc dans l’histoire. Tout d’abord, il est établi de manière claire qu’il avait peur de l’aura de Guevara et de ses idées marxistes. Dans un premier temps, il l’installe dans une forteresse bien à l’écart lorsqu’il est nommé gouverneur des armées. Ensuite, il l’envoie sur une voie de garage après le discours d’Alger. Pour preuve, la lettre qu’il lit aux médias et au peuple cubain expliquant le départ du Che et de son renoncement à sa citoyenneté cubaine. Guevara avait explicitement dit à Castro de dévoiler cette lettre qu’après sa mort. Enfin le fait de l’envoyer en Bolivie dans un endroit perdu, difficile d’accès et à des kilomètres de La Paz parait vraiment suspect. Le pire dans cette histoire, c’est que la Bolivie est certes sous dictature militaire, mais le président a été élu par les urnes, et qui plus est, tient une politique basée sur un modèle socialiste. Guevara a toujours clamé de ne pas s’attaquer à un gouvernement élu par les urnes. Alors pourquoi aller faire la révolution rapidement là-bas ? La région, où il se trouve, est peuplée d’autochtones indiens qui parlent à peine l’espagnol. Difficile dans ces conditions de pouvoir trouver des militants et des combattants.

Et l’URSS dans tout ça ?

L’URSS n’a joué qu’un rôle secondaire dans cette affaire. En juin 1967 les relations se réchauffent entre les deux blocs. Le président Johnson reçoit le ministre Aleksei Kosygin, et comme par hasard, peu de temps après, le ministre russe se rend à Cuba. Pure coïncidence ? Je ne le pense pas ! Il semblerait d’après certains témoignages que Kosygin aurait donné l’ordre à Castro de cesser d’appuyer Guevara dans sa lutte révolutionnaire, sans quoi, il y aura des représailles.

Kosygin johnson

Alors mort au combat ou exécuté ?

D’après certaines archives et dans les faits, il est incontestable que Ernesto « Che » Guevara a été purement et simplement exécuté en fin de matinée par le sergent Teràn sur ordre d’un général bolivien et la complaisance de la CIA. Le laisser en vie aurait apporté son lot de problème en vue d’un éventuel procès. Guevara bénéficie d’une popularité internationale et de nombreux partisans. D’un autre côté, le tuer aurait risqué de l’élever au rang de martyr avec les conséquences que l’on peut facilement deviner. Alors que faire ?

Il semble que le général bolivien, qui a donné l’ordre d’exécution ait bien insisté sur le fait de tirer dans le thorax et non dans la tête, afin de faire croire à une mort au combat. La CIA se serait chargée de planifier la conférence de presse et l’évacuation des dépouilles dans un lieu secret, afin d’éviter des rassemblements ou des pèlerinages.

Epilogue

Il ne fait nul doute que « Che » Guevara a bien été exécuté après s’être rendu. Dans un rapport du sergent Teràn, il nous apprend qu’il avait suppléé un autre gradé, qui avait été préalablement désigné par le commandant en chef Alfredo Ovando. Il déclare qu’il avait pour ordre de tirer dans le thorax mais surtout pas dans la tête. Il explique également que le Che s’était rendu le 8 octobre et que l’exécution s’est produit le 9 octobre en fin de matinée. Il en veut pour preuve la photo où il se tient à côté de Guevara, datée du 8, mais belle et bien prise au matin du 9.

Guevara avant execution

Alors dans les faits, oui les militaires boliviens sont les exécutants du révolutionnaire. La CIA n’a, elle, qu’appuyé et joué un rôle secondaire dans sa mort. Mais ce que nous pouvons ressortir également, c’est que Fidel Castro et l’URSS sont tous aussi responsables de sa mort, et surtout, ce qui n’est pas rien, de trahison envers lui…….

A vous de juger…… !

Guevara mort

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