Le mystère de Gilmerton Cove

 

A quelques kilomètres au sud d’Edimbourg en Ecosse, le village de Gilmerton reste pour beaucoup au coeur d’un mystère entourant la construction d’une sorte de bunker médiéval. Cette grotte comprenant six pièces et creusée par la main de l’homme dans le grès reste aujourd’hui énigmatique quant à sa conception et son utilisation. Officiellement, on attribue cette création à un forgeron nommé Paterson, qui vécut au début du 18e siècle. Pourtant il est difficile de croire qu’un seul homme soit à l’origine de cette grotte. Du coup les thèses des Templiers, du Hellfire ou des Francs-Maçons sont souvent évoqués. Alors qu’en est-il ?

Situation

Gilmerton est situé à environ 5km au sud d’Edimbourg. C’était un petit village minier et agricole d’un millier d’habitants, qui aujourd’hui, a été englobé dans la capitale. Gilmerton date du 16e siècle, mais les premiers écrits concernant le village apparaissent pour la première fois en 1786, lorsque John Ainslie établit une carte du bourg en y indiquant une grotte qui servait de dépôt de charbon. Même si l’endroit était bien connu des autochtones, il commence à éveiller la curiosité des citadins par rapport à sa construction.

 

 

Historique

Comme indiqué ci-dessus, c’est en 1786 que l’on parle pour la première fois des grottes avec le plan du village réalisé par John Ainslie. Il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que l’assistant du musée d’Edimbourg F.R Coles s’y intéresse. Il y passera trois jours et trois nuits dans le but d’en apprendre un peu plus et de percer peut-être son secret. Il publie un article dans le quotidien « Scotsman » en 1906, dans lequel il avance l’hypothèse que Paterson est effectivement le créateur de Gilmerton Cove, tout en ajoutant un bémol, dans le sens, où il ne croit pas à une réalisation sans aide extérieure. En 1935 Gilmerton échappe de justesse à la construction d’un aéroport sur ses terres et peut-être à la destruction de la grotte. C’est en 1970 qu’une série de recherches fait apparaitre un système de drainage qui longe le corridor central. Enfin en 2002, lors de la sécurisation du site, les archéologues découvrent une pièce obstruée par un éboulement. Malheureusement il est impossible de la dégager sans risquer d’affaisser la partie supérieure, où passe une des routes du village. La découverte de ce passage va alors lancer une série de rumeurs plus ou moins fondées sur l’utilisation de Gilmerton Cove. Les thèses des Templiers, d’un passage secret jusqu’au château de Craigmillar, des Covenanters, d’une prison pour les ennemis du Duc de Buccleuch ou encore du Hellfire Club sont mises en avant. Bref, tout le monde y va de son explication. Après 4 ans de travaux pour consolider la grotte, le conseil d’Edimbourg a décidé d’ouvrir le site aux touristes en 2003.

 

 

La grotte

Gilmerton Cove est une série de cavités arrondies, creusées à la main. Une succession de petites chambres de part et d’autre d’un long couloir qui se situent à quelques mètres sous terre. On y accède par une petite maison minière sur une des rues principales. Après une légère descente par un petit escalier taillé dans la roche, on atteint les caves. Elles se composent de trois salles assez vastes, qui devaient servir de chambre à coucher, trois bras avec des tables et des bancs taillés dans la masse et une grande cheminée près du bas des escaliers. Sur une des tables, deux petites cavités ont été creusées, qui font étrangement pensé à des récipients. Dans plusieurs endroits du site, on peut distinguer des petites gravures représentant des symboles divers. D’après certaines recherches, il semble que les trois salles étaient pourvues de portes en bois, qui ont aujourd’hui disparues.

Le forgeron Paterson

On sait de source sûre que George Paterson avait occupé cet endroit entre 1719 et 1737. Cet homme avait utilisé ces cavités comme résidence et lieu de travail. Officiellement il serait à l’origine de la création de Gilmerton Cove, qu’il aurait façonné entre 1719 et 1724. Seulement, il est difficile de croire qu’un seul homme ait pu creuser manuellement ces dédales en 5 ans. D’après de nombreux ingénieurs et architectes, il aurait fallu au minimum 10 ans en travaillant chaque jour pour arriver à ce résultat. Non seulement pour creuser, mais surtout pour évacuer les gravats. Un autre problème, et non des moindres, c’est qu’il était très compliqué de pouvoir exercer la profession de forgeron dans cet endroit qui ne comprenait presque aucune évacuation ou aération directe. Même s’il y avait des puits de lumière, qui furent rebouchés ultérieurement, la chaleur devait être insoutenable. On sait que Paterson fut soupçonné de servir de l’alcool le jour du Sabbath. Ce qu’il avait démenti, car il fermait la grotte à clé à chaque fois qu’il se rendait à l’église. Cependant des effluves s’étaient échappés par les puits de lumière, ce qui amène à penser logiquement qu’il devait distiller à l’intérieur. Du coup, il y a une forte probabilité pour qu’il ait utilisé l’endroit comme pub inofficiel. Les tables et les bancs taillés dans la masse en seraient bien évidemment la preuve. Car même avec une famille, on ne voit pas la nécessité d’avoir trois tables !!! Quand à sa vie à partir de 1737, elle reste obscure. On ne trouve aucune trace de cet homme, ni de sa famille au-delà de cette date. Des rumeurs suggèrent qu’il fut enterré à l’intérieur de la grotte.

Les possibles maîtres des lieux

The Covenanters : qui furent des ennemis de la monarchie depuis 1683. En effet à cette époque ces adeptes avaient signés une sorte de charte pour confirmer leur opposition à la monarchie dans les affaires de l’église presbytérienne écossaise. Les monarques arboraient le divin droit qui leur donnait le sentiment d’être les têtes spirituelles de l’église écossaise et surtout que Dieu leur avait donné le pouvoir de régner. La répression qui suivit fut particulièrement violente et les « Covenanters » furent mis au ban de la société écossaise. Ils furent donc obligés de se cacher pour célébrer des cultes ou messes. On estime donc possible que cette communauté ait utilisé cette grotte pour des réunions ou des célébrations secrètes.

 

 

Les Templiers : après le bannissement des templiers par le Pape, notamment à cause des fortunes qu’ils auraient amassées, il semblerait qu’une grande partie de ces chevaliers se serait rendu dans les îles britanniques. D’ailleurs, de nombreuses connexions semblent apparaître entre les templiers et l’Ecosse et notamment avec l’église de Rosslyn (citée dans le Da Vinci Code !). En effet de nombreuses petites quo notations rappellent étrangement les signes des templiers dans l’édifice. Qui plus est, une cavité pleine de gravats et encore obstruée dans la grotte se dirigerait en ligne droite sur l’église de Rosslyn. Le problème est qu’il n’est pas encore possible de la dégager pour des raisons de sécurité. Non seulement elle risquerait d’affaisser la route qui passe au-dessus et bien évidemment de détruire une partie de la grotte.

 

 

Le Hellfire Club : formé en 1740 par Sir Francis Dashwood était en fait un club pour gentlemen qui s’adonnait à la boisson, aux femmes et aux chansons. Mais certaines rumeurs faisaient état de débauche et surtout de sacrifices religieux. On raconte que des personnes influentes du parlement écossais étaient membres de ce cercle plutôt sombre. La devise du club : « Fais ce que tu veux ». Même si la plupart des rencontres se faisaient à l’abbaye de Medmenham à quelques kilomètres de là, il semble tout à fait plausible que les cavités purent aussi servir à des rencontres peut-être plus intimistes.

 

 

Pourquoi tant de mystères

Ce mystère reste entier, car il est très difficile de dater une grotte, contrairement à un édifice qui peut laisser passablement d’indices avec son style, les matériaux utilisés ou les écrits. De plus, elle fut longtemps utilisée pour l’entreposage du charbon, ce qui augmente encore les problèmes de datation. Quand à son utilisation : mise à part Paterson et l’entreposage de charbon, elle reste assez énigmatique. Sa conception ressemble plus à une sorte de lieu de rencontre qu’à autre chose, avec ses tables et ses bancs creusés dans la masse. De plus, une des tables comprend à une extrémité une coupole creusée également dans la masse, qui pourrait faire penser à un bénitier. Enfin, il y a ces symboles que beaucoup ont assimilés à des groupes religieux, francs-maçonniques ou de débauche.

Possible explication

D’après certains spécialistes qui se sont penchés sur la question, il semblerait que ces grottes auraient pu être créées au début du 17e siècle. On sait que le charbon fut extrait en quantité importante au 18e siècle avec la révolution industrielle, mais le minerais était déjà utilisé depuis le 16e siècle pour le chauffage et les extractions ne se faisaient pas à grande échelle. On suppose donc que ce lieu renfermait certainement du charbon qui fut exploité au début du 17e. Ce qui pourrait expliquer les cavités qui se trouvent de part et d’autre du corridor central. Mais la faible quantité que renfermait le site n’a probablement pas permis une exploitation sur la durée, et il est fort probable qu’il fut fermé après quelques années. Paterson qui découvre le site certainement par hasard un siècle plus tard, décide de l’utiliser à des fins personnelles et transforme une partie des cavités déjà creusées afin de pouvoir y travailler et vivre. Seulement la forge est peu pratique et peu lucrative. Alors il décide de l’utiliser pour distiller clandestinement. Il faut savoir qu’en 1725 le gouvernement écossais avait proclamé un décret limitant sérieusement la fabrication de whisky dans le pays. Du coup, le breuvage était très recherché et très demandé. Puis c’est l’inconnu jusqu’au début du 19e siècle, où l’endroit fut destiné au stockage de charbon.

Epilogue

Malheureusement il est peu probable que les Templiers possédèrent les lieux, puisque ces grottes auraient été façonnées bien après les croisades. Quand à la cavité éboulée, ce n’est que pure coïncidence qu’elle soit en ligne directe avec la chapelle de Rosslyn. Par contre l’utilisation par le Hellfire ou les Covenanters n’est peut-être pas si farfelue, car la disposition des lieux aurait très bien pu servir les intérêts des deux associations. Même si cela semble quand même exigu pour de tels agissements. Cela dit, le mystère subsiste toujours sur la création et l’utilisation de ces grottes. Peut-être que le déblaiement de la chambre éboulée nous éclairera un peu plus à l’avenir. Mais ca, c’est une autre histoire, car le travail s’avère très compliqué.

Cela dit, la visite du site est un régal et j’encourage tous ceux qui se rendent à Edimbourg de faire un petit crochet par Gilmerton Cove. Intriguant et fichtrement intéressant.