Le triangle des Bermudes

Cette partie de l’océan comprise entre la Floride, Puerto-Rico et les Bermudes fut le théâtre de nombreuses disparitions. De nombreux bâtiments maritimes et autres aéronefs auraient mystérieusement sombrés en pénétrant dans cette zone. Les conditions météorologiques, certes, pourraient expliquer certains naufrages, mais comment se fait-il que dans plusieurs cas, aucunes des épaves ne furent retrouvées. Que cache ce mystérieux triangle des Bermudes ? Et les conditions météorologiques peuvent-elle vraiment tout expliquer ?

 

Plan de la région

 

La découverte du triangle

C’est en 1964 que Vincent Gaddis utilise pour la première fois le terme de triangle des Bermudes lors de la parution d’un article dans le magazine de fiction « Argosy ». Se penchant sur de nombreux témoignages, il indique que cette partie du globe est une source de disparitions plutôt inquiétantes. Mais c’est véritablement en 1973 que Charles Berlitz lancera le mythe du triangle avec son bestseller empreint de faits troublants dans cette zone. Il y détaille un grand nombre de disparitions de navires et d’avions depuis le 19e siècle. Et effectivement en se penchant sur l’histoire de cette partie du globe, il semblerait que des événements plutôt inexpliqués aient fait disparaître des embarcations.

Les disparitions

En 1800, Le « Pickering », un bateau américain disparait. En 1854, on perd la trace d’un navire anglais se rendant en Jamaïque « le Bella ». En 1866 c’est un trois-mâts suédois « le Lotta », puis en 1868 « le Viego » un navire marchand espagnol. S’en suivront encore bien d’autres embarcations, jusqu’en 1918 où c’est le tour du «Cyclops » un gros navire charbonnier avec pourtant une radio à bord. Celui-ci n’aurait émis aucun SOS. En 1948 le « Star Tiger » assurant la liaison Açores-Bermudes s’évanouit un jour de janvier, alors qu’il avait annoncé que tout allait bien lors de son approche. Même année, un DC-3 disparait sans laisser de traces, alors qu’il approchait de Miami. Mais c’est surtout en 1945 qu’une escadrille de bombardiers « Avenger » disparait. D’après les dernières communications radio, il semblerait que les instruments se seraient complètement affolés et que le chef d’escadrille aurait déclaré être perdu. Un hydravion de recherche se serait rendu sur les lieux et aurait également disparu. Pendant plusieurs jours la marine militaire et les gardes-côtes passeront la région au peigne fin, sans rien trouver.

Pourquoi sont-elles toutes étranges ?

Premièrement, dans la plupart des cas, aucune épave n’a été retrouvée. Ni en surface, ni sous l’eau. Deuxièmement, toutes ces disparitions se sont produites alors que les conditions météorologiques étaient impeccables. Donc il est difficilement explicable que de grosses embarcations puissent s’évanouir sans laisser de traces. Même si les navires avaient rencontrés des tempêtes subites, on aurait retrouvé des débris des épaves, voire le bâtiment sous l’eau. Mais RIEN !

Explications et théories

De nombreuses explications scientifiques ont été avancées pour expliquer certaines de ces disparitions. D’autres sont beaucoup plus romanesques, voire fantaisistes.

Du côté des scientifiques, on avance les théories d’instabilité météorologique, de perturbations électromagnétiques, de mer imprévisible, de flatulences océaniques et enfin de différence entre le vrai nord et le nord magnétique. Voyons en gros chacune de ces possibilités :

- Instabilité météorologique : Ce secteur serait propice à des instabilités et phénomènes atmosphériques soudains et brutaux. Les eaux chauffées par le Gulf Stream (un courant maritime chaud s’étalant du Golf du Mexique jusqu’à l’Europe du nord) transmettraient une énergie considérable à l’atmosphère, provoquant des tempêtes et des ouragans extrêmement violents et soudains. En résumé, une mer calme sous un ciel bleu peut se transformer en un enfer maritime. Et ceci en quelques minutes. Autre possibilité, les rafales descendantes qui sont un courant aérien descendant intense sous un orage. Le contact de ces rafales avec la surface entraîne des vents violents et turbulents. Une sorte d’avalanche d’air qui peut durer de quelques secondes à plusieurs minutes. D’ailleurs de nombreux plaisanciers se font régulièrement avoir par ces phénomènes.

 

Gulf Stream

 

- Perturbations électromagnétiques : La terre possède un champ magnétique produit par les déplacements de son noyau. Rien de bien nouveau ! Ce champ recouvre la totalité de la planète avec des lignes de champ, plus ou moins chargées entre les deux pôles. C’est ce qui permet de pouvoir se repérer avec une boussole. En 1999, des relevés satellitaires ont indiqués que le champ magnétique au dessus du triangle était relativement instable. Ceci pourrait donc expliquer les problèmes d’instruments de navigation dans cette zone.

- Une mer imprévisible : Le relief sous-marin abrupt, les récifs et l’atmosphère instable dans cette région peuvent rendre la mer imprévisible en formant, ce que l’on appelle dans le jargon, des vagues scélérates. Ces vagues supérieures aux autres et très creuses se forment par l’accumulation de petites vagues lors d’un orage. Suivant la hauteur, elles peuvent envoyer par le fonds n’importe quelle embarcation. Heureusement ce phénomène est extrêmement rare. Enfin les forts courants émanant des récifs et des abysses de cette région peuvent également faire dévier et entraîner les bateaux vers des zones dangereuses.

 

Vague scélérate

 

- Flatulences océaniques : Ce sont des émissions de gaz sous-marin chargées en méthane. Celles-ci seraient dues principalement à des tremblements de terre et un changement de température de l’océan. On sait que cette région possède une quantité d’hydrate de méthane instable qui lors de ces changements pourrait libérer des gaz. Remontant à la surface, elle diminue la flottaison de l’embarcation et peut envoyer le bateau par les fonds. On sait également qu’une faible dose de méthane dans l’air peut étouffer le moteur à piston d’un avion. Par contre on ne connait pas l’effet sur un turboréacteur.

 

Flatulences

 

Bien entendu en plus de ces théories scientifiques, d’autres sont venues s’ajouter, telles que la présence d’un météorite, la civilisation de l’Atlantide, ou encore nos amis extraterrestres, voire des complots gouvernementaux. Mais nous ne reviendrons pas sur ces dernières qui ne se basent que sur l’imagination de certains écrivains.

Que se passe-t-il donc dans cette région ?

Et bien, chers lecteurs, chères lectrices, je vais vous décevoir ! Puisqu’il ne se passe rien de plus spectaculaire qu’ailleurs !

Tout d’abord, la plupart des tragédies évoquées sont inventées ou ont été détournées de leur contexte. Le « Bella » disparu en 1854 n’a jamais existé. Certes un navire de ce nom a bel et bien été construit en 1852, mais il n’a jamais coulé. On n’a trouvé aucune mention du « Viego » et du « Lotta » dans les archives maritimes. Quand au « Cyclops », il a sombré le long de la côte atlantique des Etats-Unis. En fait la plupart des naufrages n’étaient dus qu’à des erreurs humaines, de mauvaises conditions météo ou des incidents techniques. Tous ces faits ont été enjolivés ou distorsionés par des écrivains ou des reporters en manque de sensations. Preuve en est, aucunes de ces prétendues disparitions n’avaient fait la une des journaux de l’époque.

Deuxièmement, une statistiques effectuées par les gardes-côtes américains nous indique que, sur 150'000 bâtiments qui franchissent le triangle des Bermudes chaque année, ils ont recensé environ 10'000 appels de détresse et seulement une centaine de naufrage. Ce qui est sensiblement similaire en pourcentage à ce qui se passe dans le canal de la Manche. De plus, concernant les avions en détresse, 56% sont dû à des erreurs humaines, 17% à des avaries, 15% aux conditions météo, 4% à la maintenance, 4% aux tours de contrôle, le reste étant malheureusement les détournements, la piraterie ou le terrorisme.

Certes il y a bien eu en 1975 et 1976 des bateaux qui ont disparus. Seulement il faut relativiser les chiffres, car en 1975, 21 bâtiments disparurent près des côtes américaines, dont seulement 4 dans le triangle. N’oublions pas que cette zone est aussi très touchée par les ouragans, qui se forment souvent pas très loin du triangle. Les conditions météo expliquent une bonne partie des naufrages. Ajoutez à cela l’influence du Gulf Stream, qui peut charrier les épaves en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Voilà vous avez votre réponse !

Qu’en est-il alors pour le fameux DC-3, l’escadrille 19 et le Star Tiger ?

Selon les témoignages, les conditions étaient excellentes lors du vol du Star Tiger. Or ce n’est que pure invention. Rien de tel n’apparait ni dans le rapport d’enquête, ni dans les conclusions de l’enquête publique. Si on se réfère à ces deux investigations, il est clairement indiqué que le pilote aurait été gêné par des nuages bas et des vents violents. De plus, il manquait de carburant.

Concernant le DC-3, il est établi que la radio du pilote fonctionnait mal. Lors de son vol, l’avion devait faire face à du vent de nord-est. Mais à l’approche des côtes de Floride, le vent était changeant. La tour de contrôle a tenté en vain d’avertir le pilote, qui a probablement raté la péninsule à cause des vents changeants et s’est probablement abimé dans le Golfe du Mexique.

Enfin quand à l’escadrille, il n’y a jamais eu de communications entre le chef d’escadrille et la tour de contrôle. Certes, ils sont bien partis par un temps radieux, mais il y a fort à parier qu’ils ont dû rencontrer un violent orage lors de leur exercice. D’après un rapport militaire, cette disparition serait due à une erreur d’appréciation du commandant d’escadrille qui aurait confondu les îles des Keys (groupe de petites îles qui se trouvent dans le prolongement de la péninsule de Floride) avec celles des Bahamas. Ne trouvant pas la piste d’atterrissage, il aurait tenté un amerrissage forcé. Mais avec les conditions météo, l’avion n’aurait pas pu flotter bien longtemps. Certes il reste encore des zones d’ombre sur cet incident, mais d’après les forces militaires, il n’y a rien de mystérieux là-dessous. C’est une erreur de commandement et rien de plus.

Epilogue

Malheureusement pour tous les adeptes de mystères, le triangle des Bermudes n’est qu’une vaste fumisterie destiné à engrangé des bénéfices sur des romans ou des éditoriaux. Certains ont même osé écrire : « C'est peut-être que l'esprit humain n'est pas encore assez avancé pour comprendre les forces qui s'exercent dans le Triangle ». Du coup, on peut se poser la question de savoir si leurs cerveaux ne seraient pas trop avancés dans l’étendue de l’imaginaire… !

Des naufrages ont bel et bien été enregistrés dans cette zone, mais pas plus qu’ailleurs. On pourrait aussi très bien considérer les côtes bretonnes comme les côtes du Diable ou le Cap Horn comme le Cap des Perdus, et que sais-je.